Coopération bilatérale : comment la France a poussé Touadéra dans les bras de la Russie (I)
Faustin-Archange Touadéra a dû tourner le dos à la France. Cela est indéniable aujourd’hui. Comment en est-il arrivé à prendre cette décision cruciale pour le destin de son pays, la Centrafrique ?
Question interdite ! Aucun média occidental ne se la pose. Justement parce que la réponse est grave et met sur la piste de la méchanceté, la duplicité, la nocivité du pouvoir politique français, de François Hollande à Emmanuel Macron. Avant de succomber à la diabolisation de la Russie, il faut au moins connaître les vrais diables dont la France est bien un. Décryptage avec le lucide et très averti journaliste Alain Foka.
Aux origines, le retrait unilatéral et criminel de l’opération Sangaris
« Sangaris » est le nom d’une opération militaire de l’armée française conduite en République centrafricaine à partir du 5 décembre 2013 après la résolution favorable 2127 du Conseil de sécurité des Nations unies autorisant le « déploiement de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (Misca). Avec un effectif de plus de 2000 soldats, elle marque la 7e intervention militaire française depuis l’indépendance du pays en 1960.
L’opération a été sollicitée fin 2012 par le président François Bozizé. La rébellion de la Seleka était alors aux portes de la capitale Bangui. L’État n’était plus alors capable de faire régner l’ordre.
2016, soit trois ans après, Touadéra arrive au pouvoir. Son élection signe la fin de la période de transition politique. Le 30 mars, le nouveau chef d’Etat est investi président de la Centrafrique dans ce contexte sécuritaire difficile avec des combats entre des milices d’autodéfense chrétiennes « anti-balakas » et les ex-Seleka.
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Ce jour-là même, c’est-à-dire après la cérémonie d’installation, le nouvel homme fort de Bangui va plutôt recevoir de la France, un très mauvais cadeau. Jean-Yves Le Drian, ministre français de la Défense présent à la cérémonie, annonce la fin de l’opération Sangaris la même année 2016. Exactement comme en 2021 récemment, où la France annonce le retrait de l’opération Barkhane du Mali à la télévision sans aucune consultation préalable avec les autorités du pays.
« Le nouveau chef de l’Etat est surpris, on ne lui en avait pas parlé avant. Il est sidéré. Comment va-t-il faire face aux nombreuses rebellions dans le pays ? En retirant ses troupes, la France savait bien que le nouveau chef de l’Etat ne tiendra pas longtemps. C’est un nouveau coup dur pour le nouveau pouvoir, surtout qu’en face la rébellion gagne du terrain », raconte avec amertume, Alain Foka.
Parjure de mauvais goût
Que faire ? Faustin-Archange Touadéra prend son mal en patience, fait preuve de responsabilité, de clairvoyance, et de sagesse. Avec respect, et dans une posture républicaine très élégante, il se rend en France. « Pour éviter d’être à nouveau balayé par une énième rébellion dans ce pays où elles se multiplient au gré des intérêts minéraliers, Touadéra se rend à Paris le mois suivant, le 24 avril 2016. Il est reçu par le président Hollande et lui demande de maintenir absolument l’opération Sangaris », se souvient encore comme si c’était hier le professionnel des médias.
Visite apparemment fructueuse à Paris. François Hollande alors chef de l’Etat français, reçoit son homologue Faustin-Archange Touadéra. Lors du point de presse à l’issue de leur tête-à-tête, il lui donne sa parole, le rassure dans un ton très solennel, commente Alain Foka. « L’opération Sangaris demeurera en Centrafrique, je vous l’assure », a promis Hollande. « Et nous ferons en sorte qu’il y ait, pour aider les forces centrafricaines, notre soutien indispensable, la présence de nos militaires pour vous accompagner dans la tâche d’encadrement de l’Armée centrafricaine qui est essentielle, pour assurer la sécurité », a-t-il même martelé.
La désillusion
Faustin-Archange Touadéra rentre en Centrafrique, heureux d’avoir obtenu la garantie du maintien de Sangaris. Puisque, la parole de Hollande est bien au-dessus de celle de Jean-Yves Le Drian, qui doit à celui-ci sa nomination au poste de ministre. Hélas ! Il découvrira le complot plus tard.
Le même Hollande, qu’il a rencontré à Paris, le 24 avril 2016, effectue moins de deux mois après une visite officielle à Bangui le 13 mai 2016. Et, à la surprise générale, paralysante, confirme la fin de l’opération Sangaris en présence du ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian. Sans avoir honte de ce parjure monumental, il s’en justifie même : « La responsabilité de l’Etat une fois que cette opération a été menée à son terme et avec le succès que l’on vient de saluer, alors c’est d’y mettre un terme ».
Pourtant, un mois et demi plus tôt il avait assuré et rassuré le président Touadéra fraichement élu du maintien de l’opération Sangaris. « Quel respect pour son homologue africain ? », s’interroge, perdu, Alain Foka.
Une fois encore, la condescendance du gouvernement français depuis la colonisation en passant par l’esclavage, vient de frapper sur le continent. Abandonné en plein vol, comment se démerder le président Touadéra ?
A suivre