
Afrique Centrale : Bras de fer autour du rapatriement des fonds pétroliers
Paris accueille des discussions cruciales entre la BEAC, les ministres de la CEMAC et les compagnies pétrolières sur le rapatriement des fonds de réhabilitation environnementale.
Depuis ce jeudi 17 avril, Paris est le théâtre de discussions de haute importance pour l’avenir financier de l’Afrique centrale. À l’initiative du ministre français de l’Économie, Éric Lombard, et de son homologue équato-guinéen, Ivan Bacale Ebe Molina, les grands argentiers de la région, incluant le gouverneur de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) et les ministres des Finances des États membres de la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC), sont réunis pour échanger avec les représentants des bailleurs de fonds internationaux.
Au cœur de ces discussions se trouve une mesure imminente qui met la BEAC aux prises avec les compagnies pétrolières opérant dans la sous-région. Il s’agit de l’obligation, pour ces entreprises, de rapatrier au sein de la banque centrale sous-régionale les fonds destinés à la réhabilitation environnementale des sites d’extraction arrivés en fin de vie.
La tension monte à l’approche de la date fatidique du 30 avril. À partir de cette échéance, les compagnies pétrolières qui n’auront pas versé sur les comptes de la BEAC les « réserves dites de réhabilitation des écosystèmes » s’exposeront à des pénalités financières considérables, s’élevant à 150% des sommes dues.

Cette mesure, adoptée en 2018, stipule que ces fonds seront séquestrés et ne pourront donc pas être utilisés directement par la BEAC. Néanmoins, leur présence dans les coffres de la banque centrale renforcera significativement ses réserves de devises, offrant ainsi une plus grande marge de manœuvre pour les opérations de change.
Cependant, les compagnies pétrolières affichent une vive résistance. Tout en reconnaissant avoir provisionné les montants nécessaires, elles refusent catégoriquement de les transférer à la BEAC sans obtenir des garanties de recours en cas de potentielle « évaporation » des fonds, arguant du statut d’immunité dont jouit l’institution bancaire. D’une voix unanime, à l’instar de l’agence de notation S&PGlobal, elles estiment que cette obligation risque de dissuader les investissements pétroliers en Afrique centrale.
Les discussions entamées à Paris devraient se poursuivre en marge des réunions de printemps du Fonds Monétaire International (FMI) et de la Banque mondiale à Washington. Un élément supplémentaire vient complexifier la situation : une proposition de loi républicaine a été récemment déposée aux États-Unis, visant à retirer le soutien américain aux actions du FMI dans la zone CEMAC tant qu’une évaluation des réserves de change n’aura pas été réalisée.
Ce bras de fer entre la BEAC et les compagnies pétrolières soulève des questions cruciales quant à la gestion des fonds environnementaux et à l’attractivité de la région pour les investissements dans le secteur crucial des hydrocarbures. Les prochains jours s’annoncent déterminants pour l’issue de ces négociations et pour l’équilibre financier futur de l’Afrique centrale.
