Tchad : une loi d’amnistie au détriment de la justice, des organisations crient au scandale
La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et ses organisations membres au Tchad, l’Association tchadienne pour la promotion et la défense des droits de l’Homme (ATPDH) et la Ligue tchadienne des droits de l’Homme (LTDH), dénoncent l’adoption par le Conseil national de Transition du Tchad d’une loi d’amnistie qui consacre la culture de l’impunité au Tchad. Elles appellent les autorités tchadiennes à abroger cette loi, à respecter leurs engagements en matière de respect des droits humains et de l’état de droit, et à garantir les droits des victimes à la justice et à la réparation..
Communiqué
Le 6 décembre 2023 – Le 23 novembre 2023, le Conseil national de transition tchadien, organe législatif, a voté une loi d’amnistie générale. Son objectif : mettre fin à toutes les poursuites consécutives à la répression violente par les forces de l’ordre des manifestations organisées par la société civile et de l’opposition tchadienne le 20 octobre 2022.
L’adoption de cette loi intervient suite à la signature à Kinshasa, le 31 octobre 2023, sous l’égide de Félix Tshisekedi, Président de la République démocratique du Congo, de « l’accord de réconciliation » entre la junte tchadienne et Succès Masra, Président du parti politique Les transformateurs, l’un de ses principaux opposants et meneurs de la manifestation réprimée en octobre 2022 appelées « jeudi noir ». Cet accord a permis la révocation du mandat d’arrêt international contre M. Masra et son retour au Tchad le 3 novembre 2023, après un an d’exil forcé.
« Amnistier sans identifier les victimes et sans que les auteur·es ne répondent de leurs actes devant la justice, et sans aucune mesure de réparation, c’est non seulement consacrer la culture de l’impunité mais c’est aussi lui donner des primes. Nous ne sommes pas contre la réconciliation, en vue d’une sortie de crise. Mais la réconciliation doit concerner la population tchadienne. Cela passe par le respect de l’état de droit », a déclaré Me Adoum Mahamat Boukar, Président de la LTDH.
Cette loi d’amnistie est générale. Elle prévoit que « …tous les tchadiens résidant au Tchad ou à l’étranger (civils ou militaires) ayant été impliqués, poursuivis ou condamnés pour les infractions commises le 20 octobre 2022 sont éligibles à cette amnistie… »
La LTDH, l’ATPDH, et d’autres organisations de la société civile tchadienne avaient documenté les violations des droits humains commises par les forces de l’ordre le 20 octobre 2022.