
En octobre 2025, le Cameroun organisera une nouvelle élection présidentielle dans un contexte politique tendu mais institutionnellement structuré. Une question majeure suscite l’intérêt des observateurs : le Professeur Maurice Kamto, président du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), pourra-t-il légalement présenter sa candidature ?
Cet article propose une lecture strictement juridique et pédagogique, exempte d’orientation partisane, afin de permettre à chaque citoyen de comprendre les règles électorales en vigueur, les marges de manœuvre prévues par la loi, et les hypothèses légales exploitables dans le cas du MRC.
I. Le cadre légal de la candidature présidentielle
1. Les textes applicables
Deux principaux instruments juridiques encadrent les candidatures :
- La Constitution du Cameroun (1996, révisée en 2008)
- Le Code électoral (Loi n°2012/001 du 19 avril 2012, modifiée)
La Constitution, à l’article 6, institue l’élection du président au suffrage universel direct. Le Code électoral, à l’article 121, définit les conditions de recevabilité d’une candidature.
2. Les deux voies prévues par la loi (Article 121)
La loi camerounaise prévoit deux modalités juridiques pour qu’un citoyen soit éligible à la présidence de la République :
Option 1 : Être investi par un parti politique ayant des élus
Le parti doit disposer au minimum d’un élu en fonction, que ce soit :
- Un député ou sénateur,
- Un maire ou conseiller municipal/régional.
Option 2 : Réunir 300 signatures représentatives
Le candidat, à titre individuel ou via un parti sans élus, peut être déclaré recevable s’il présente :
- 300 signatures d’élus ou personnalités qualifiées,
- Réparties dans au moins 10 régions,
- Avec un minimum de 30 signatures par région.
II. La situation juridique actuelle du MRC
Le MRC ne dispose d’aucun élu à ce jour, ayant boycotté les scrutins municipaux et législatifs de 2020.
➡️ Cela exclut automatiquement la voie 1 dans l’état actuel des choses.
➡️ Le MRC, ou son candidat, doit donc envisager l’option 2 (les 300 signatures) ou réaliser une recomposition politique conforme à la loi.
III. Les hypothèses juridiquement valables
A. Recueillir 300 signatures : légal mais difficile
- C’est la voie classique pour les partis sans représentation.
- Problème : la majorité des élus appartiennent au parti au pouvoir (RDPC), rendant politiquement difficile l’obtention de leurs signatures.
- Sur le plan juridique : aucune disposition ne leur interdit de signer, mais des pressions politiques peuvent interférer.
B. Rejoindre un micro-parti avec des élus : juridiquement recevable
- Il est possible pour Kamto d’être investi par un petit parti disposant d’au moins un élu.
- Cela permettrait d’exploiter la voie 1 légalement.
C. Démission d’élus et ralliement au MRC : une hypothèse solide juridiquement
C’est la nouveauté centrale de l’analyse juridique actuelle.
Est-ce possible ?

Oui. Le droit camerounais n’interdit pas à un maire, député ou sénateur de quitter son parti d’origine, tant que le mandat reste personnel.
Effet juridique :
Un élu qui adhère au MRC devient un élu MRC au sens de l’article 121. Si un ou plusieurs élus rejoignent officiellement ce parti avant le dépôt des candidatures, le MRC devient légalement habilité à investir un candidat.
Conditions :
- Les démissions doivent être formalisées et datées ;
- Le MRC doit produire une preuve d’adhésion et de validation interne ;
- La situation doit être transparente devant ELECAM et le Conseil constitutionnel.
IV. Quelles limites pratiques ?
Il convient de distinguer la légalité des actes de leur acceptabilité politique.
Le Conseil constitutionnel, chargé de valider les candidatures, pourrait :
- Vérifier rigoureusement les signatures ou les nouvelles adhésions ;
- Ou faire une lecture restrictive de certains éléments pour disqualifier un dossier.
Mais aucune base légale ne permet d’écarter, par principe, une candidature soutenue par des élus ralliés, dès lors que la procédure est respectée.
V. Synthèse juridique comparative
Scénario juridique | Légal? | Risques pratiques | Conclusion |
MRC avec des élus | Non | Invalide en l’état | |
300 Signatures | Oui | Préssions politiques, rejet technique possible | Valide mais délicat |
Ralliemment d’élus au MRC | Oui | Pressions internes, contentieux possible | Stratégiquement exploitable |
Candidature par Micro- parti allié | Oui | Négociations complexes | Juridiquement fiable |
Conclusion pédagogique
La recevabilité d’une candidature à la présidence au Cameroun est régie par un dispositif clair et rigoureux, mais offrant plusieurs marges de manœuvre légales.
Dans le cas de Maurice Kamto :
- Oui, il peut être candidat légalement.
- Oui, le MRC peut investir un candidat s’il acquiert au moins un élu par démission et ralliement d’un élu en fonction.
- Oui, le recours aux 300 signatures reste également conforme à la loi.
Message à retenir : le droit électoral camerounais permet plusieurs voies légales à la candidature, encore faut-il que les citoyens, partis et institutions comprennent, respectent et appliquent ces règles avec neutralité, transparence et loyauté constitutionnelle.
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Article rédigé à des fins pédagogiques, juridiques et informatives. Il ne prend pas parti, mais vise à éduquer la population sur les mécanismes légaux de la démocratie électorale au Cameroun.
